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D'éducateur spécialisé à Praticien en Thérapies Brèves... rupture ou filiation ?


Freud, pour qui, gouverner, psychanalyser/soigner, éduquer, sont trois métiers impossibles, nous convoque au deuil de la technique et de l’expertise : les potentialités du gouverné, du psychanalysé, de l’éduqué, sont premières dans un éventuel résultat. La place de l’inconscient chez Jung, par sa fonction compensatrice de l’attitude consciente, ainsi que par sa dynamique, réserve inépuisable de ressources, nous invite à ouvrir un champ infini des possibles. Cette dialectique entre limitation et illimité questionne la posture professionnelle du thérapeute.

 

Le praticien en thérapie brève qui s’approprie le modèle de la TSE® passe par ce moment crucial où il vient à se poser « la » question, celle qui va border et faire résonner de manière singulière sa pratique  professionnelle : « En quoi je crois ? ».  Une question d’apparence simple, pour une réponse sinon complexe, du moins multiple.

 

Comment, pour le dire autrement, mon parcours professionnel rencontre-t-il le modèle de la TSE® ? Quel tri, ce modèle orienté sur le processus, la solution, le corps, le vécu présent, m’amène-t-il à faire et pour quoi ?

 

Professionnel de la relation d’aide depuis plus de vingt ans, j’ai mesuré que j’étais en quelque sorte mon premier outil : quelle qualité de présence à l’autre et au monde de l’autre est-elle activée dans le moment (toujours renouvelé) de la rencontre ? Cette qualité de présence à l’autre s’appuie d’abord sur une connaissance de soi : qu’est-ce qui me touche, quelles sont mes croyances, ou mes représentations, en arrière plan de notre rencontre ? Mais cette qualité de présence à l’autre résonne également avec la mission qui est la mienne (pour quoi suis-je là ?) au regard de pourquoi la personne en demande d’aide se trouve là. En tant qu’éducateur spécialisé, j’ai développé l’art de cet acte réflexif sur ce que j’engage, à la fois dans la relation, et dans l’acte éducatif lui-même.

 

En quoi ma mue vers une pratique en thérapie brève dans le modèle de la TSE® s’inscrit-elle en rupture ou en filiation de ce passé professionnel ? Je propose pour répondre à cette question d’explorer les 9 principes de la TSE et de regarder ce qui converge ou diverge avec ma manière de faire en tant qu’éducateur spécialisé auprès de personnes en situation de handicap.

 

La TSE® s’ancre dans une approche humaniste de la thérapie et vient interroger en premier lieu la souffrance. La souffrance pour l’éducateur relève de l’intime et de l’identité de la personne qu’il accompagne. De fait, l’éducateur n’aborde pas frontalement la souffrance : le cœur de la pratique éducative vise à se décaler, à se décentrer de ce qui fait souffrance afin que la personne puisse y trouver une certaine contenance, et sortir du collage au symptôme. Ce sont des éléments convergents avec la TSE®, pour laquelle la souffrance est une manière de mettre le focus sur ce qui ne va pas et participe d’un voile d’illusion : tout juste indique-t-elle un besoin de changer, de trouver d’autres stratégies pour faire avec l’angoisse d’être un être-au-monde.  Si en tant qu’éducateur le principe la personne avant le handicap fondait ma pratique professionnelle, en tant que praticien en Thérapie Brève dans le modèle de la TSE®, ma pratique va s’appuyer sur des principes assez proches : 1. Le client n’est pas malade, 2. Le symptôme n’est qu’un hameçon. La TSE® invite à passer de la plainte au problème singulier. La valeur ajoutée du praticien TSE® serait de ne pas mobiliser trop de commentaires ou d’interprétations, alors que l’éducateur reste pris dans une approche normative.

 

                 La TSE®, comme la pratique éducative, s’attèle à voir où est l’enjeu.

 

Ce que vise la TSE®, c’est le changement. Alors que, l’action de l’éducateur spécialisé vise à soulager la situation de handicap. Vraie divergence qu’il convient toutefois de questionner.

Pour la TSE® : 3.  La pathologie est l’immobilité installée, 4. Rien à ajouter/à enlever, tout est déjà là, 5. Changer c’est faire autrement. La posture professionnelle du praticien en thérapie brève est donc de soutenir le changement en s’appuyant sur les ressources de son client. Il n’est pas là pour ajouter de nouvelles ressources mais faire avec l’existant, en conscientisant, en valorisant, en amplifiant ce qui fonctionne, en remettant de la souplesse et du mouvement. L’éthique de l’éducateur est de s’appuyer également sur les compétences et les capacités de la personne accompagnée pour que celle-ci soit actrice de sa vie. En effet, si l’éducateur se contente d’amener du savoir, de la compréhension,  afin de réparer ce qui a manqué ;  son intervention ratera sa cible en ce sens que la personne accompagnée sera considérée à sa place de personne manquante, dépendante, fragile.

Comment le praticien en thérapie brève dans le modèle de la TSE® soutient-il le changement ? Il aide son client à focuser sur le changement, c’est-à-dire à regarder, à apprécier ce qui fonctionne, à préciser ce qu’il trouve intéressant, et ce qu’il remarque de différent déjà présent... La densité de son intervention dépend ainsi de sa capacité à faire vivre son modèle de référence en l’explicitant au client, qui est invité à s’engager, et en l’incarnant lui-même par une forme de souplesse, de capacité à emprunter des chemins de traverses (de tester, de jouer, de rêver) puis de revenir sur le chemin principal.

 

              La TSE® s’appuie sur une stratégie d’intervention, et comme la pratique éducative, soutient le pouvoir d’agir de son client.

 

Derrière le modèle de la TSE®, pourquoi la thérapie ? Si la bonne santé mentale consiste en une certaine harmonie, une forme de fluidité incarnée, alors la thérapie elle-même se situe du côté de l’ouverture et du mouvement : 6. La rencontre révèle la singularité. Le client a en effet sa compétence unique au monde pour faire ce qu’il fait : « Comment réussissez-vous à faire cette crise d’angoisse ? »,  et « comment faîtes-vous aussi quand il n’y a pas l’angoisse ? ». Le praticien TSE® explore le processus du client par le repérage de l’articulation de la sphère des pensées et des croyances avec celle des sensations, celle des émotions, et celle des comportements. La posture du praticien TSE® est fondamentale : accueillir l’autre dans sa singularité, c’est être touché par sa vulnérabilité et partager de l’intime.

Cela rejoint la posture de l’éducateur, qui dans la rencontre, se doit de laisser de l’équivoque pour que la personne ne se résume à ce qu’elle me donne à voir du côté du stigmate : « Ah bon ? Vous pensez vraiment que c’est de votre faute ? (...) » etc.

Cette question de l’équivoque trouve peut-être un écho dans le modèle de la TSE® avec le 7ème principe : 7. Le vacillement précède la réorganisation. C’est ce moment où quelque chose s’ouvre chez le client, comme si une autre manière de penser les choses venait  bousculer les certitudes ou les rigidités.

 

Le pourquoi de la thérapie est alors un « pour quoi faire » ? Les principes, 8. Changer... c’est expériencier maintenant, et 9. La thérapie c’est devenir ce soi déjà là, indiquent que l’éprouvé prévaut sur la compréhension. La thérapie est une expérience en soi : le client est amené à vivre dans le temps de la séance la meilleure version de lui-même. L’acte réflexif s’engage prioritairement autour du corps, et des sensations. Quelle est la sensation interne désirée ? Comment est-elle convoquée ? Quels sont les vécus (souvenirs, gestuelle du corps, qualités de la sensation) qui permettent de s’y reconnecter ?

 

                 La TSE® va plus loin qu’une stricte approche solutionniste : plus qu’elles ne se créent, les solutions se vivent !

 

 

            Au sortir de ce chemin d’appropriation du modèle de la TSE®,  ma conviction est que ce dernier vient davantage en filiation qu’en rupture avec la manière de faire qui était la mienne en tant qu’éducateur.  Comme si derrière la valeur ajoutée de la TSE®, les séquences d’apprentissage des techniques, des soubassements théoriques, des postulats philosophiques, apparaissait l’unité du praticien dans sa trajectoire personnelle. La coopération, l’implication, la position basse, la curiosité de l’autre et du monde de l’autre, comme autant de valeurs cardinales qui m’animaient, m’animent et m’animeront. Ainsi je me présente à vous :

 

Je suis praticien en hypnose et psychopraticien en thérapie brève dans le modèle de la TSE®. C’est une thérapie qui vise le changement, j’y reviendrais.

Dans mon parcours professionnel et personnel j’ai visité différentes approches et j’ai été formé à différents outils comme par exemple la sophrologie, les fondamentaux de la thérapie des états du moi, la thérapie Mosaïc® dérivée de l’EMDR. Un de mes centres d’intérêt a été, et demeure, la psychanalyse junguienne, avec l’imaginaire et l’inconscient comme réserve illimitée de ressources de transformation.

Mais ce que je voulais surtout vous dire c’est que j’ai été éducateur spécialisé : cela a été un métier de vocation pour lequel ce qui m’a toujours animé, était de soutenir le pouvoir d’agir des personnes que j’accompagnais, c’est-à-dire de m’appuyer sur leurs capacités, leurs compétences, leurs ressources.

Par la TSE®, je m’inscris dans cette filiation : vous avez toutes les ressources, je vais simplement vous aider à les activer. Si vous êtes là c’est que vous avez de bonnes raisons de vouloir changer ou de ne pas avoir pu changer.

Je vais dérouler un entretien avec des questions qui peuvent être surprenantes ou que vous trouverez parfois bizarres, vous verrez que je peux insister et ne pas me contenter d’un « je ne sais pas ».... Ce qui m’intéresse et ce dont j’ai vraiment besoin c’est d’appréhender votre manière de fonctionner. Votre processus singulier. Nous n’avons pas besoin de remuer le passé, car ce qui va m’intéresser c’est le vécu présent en séance, et la sensation. C’est dans l’ici et maintenant que l’on va travailler.

C’est OK pour vous ? On y va ? Vous êtes prêt à vivre le changement dès maintenant ?


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